My mother and I
Posted by: adonis49 on: September 20, 2016
My mother and I
MA MERE ET MOI
Venant à la vie, j’avais quelques minutes d’âge lorsque j’ai ressenti dans ma chair le traumatisme de la naissance.
Très vite mes sens de l’urgence se réveillèrent et j’ai fait connaissance avec le froid, lui-même né un mois avant moi.
On m’a habillé et réchauffé pendant que se présentaient à moi la faim et la soif. Elles m’ont effrayé et je me souviens d’avoir pleuré. Ma mère me prit alors contre elle.
S’étant ré-appropriée son utérus, elle me prêta son sein. Nous étions réglés comme du papier à musique.
Son mamelon me fit téter et ma succion lui provoquait sa montée de lait. Son sein allait de pair avec la chaleur réconfortante de son corps autrement plus authentique que celle des textiles qui m’enveloppaient.
Remis dans mon berceau après chaque tétée, je sentais le traumatisme de la naissance quitter ma chair et s’ancrer dans mon esprit.
Naquit en moi une rancune contre celle qui m’a violemment expulsé de son corps quelques jours auparavant.
Elle devint très vite un ou plutôt LE personnage central avec lequel il fallait négocier.
Un jour, ayant deviné qu’elle voulait mettre fin à une tétée, je suis arrivé à lui faire changer d’avis en lui souriant! Mon sourire lui donna une joie telle que j’ai eu double ration!!
J’ai vite compris l’astuce. Faim ou froid, pleurer (langue universelle que je parlais) suffisait. Je pensais que m’ayant expulsé, elle chercherait toujours à se faire pardonner.
Jusqu’au jour où pleurer ne suffit plus.
Elle était maligne la garce ! Tel fils telle mère ! Elle avait compris mon stratagème.
Les choses se sont compliquées lorsqu’elle me refusa un matin son sein, objet de ma consolation.
Elle me donna une espèce de fiole caoutchoutée à la place. (Fête des mères dites-vous?)
J’eus beau passer du sourire aux pleurs, rien n’y fit. Je touchais le fond.
Utérus et sein perdus. Ma rancune grandissait. Ma frustration aussi.
Comme si m’avoir expulsé de son corps ne suffisait pas, un jour, elle m’amena à « l’école », m’a-t-elle dit, m’expulsant ainsi de sa maison.
C’était un genre de camp de concentration pour enfants expulsés et raflés. Qu’est ce qu’on a tous pu pleurer ce jour-là.
Des fausses mères nous engueulaient. Le tout premier contact avec la notion de « maîtresse » !
Faut dire, à la décharge de ma mère, qu’elle est revenue me chercher à midi. Ella a dû avoir des remords.
Je lui ai vite pardonnée mais, du coup, elle récidiva le lendemain!
Au bout d’un mois, ce rituel de l’école s’est bien installé. Je me rappellerai toujours, lorsque mes deux sœurs et moi rentrions de l’école le soir (on avait chacun un an d’écart d’âge), le bonheur de cet instant où ma mère venait nous accueillir sur le seuil de la porte avec sa grande robe de chambre rouge, qu’elle ouvrait grand comme des ailes.
Nous nous y engouffrions, et elle la refermait sur nous, comme pour figer le temps et ralentir l’enfance qui se dérobait déjà sous nos pieds.
Plus tard, je quittai non seulement sa maison, mais tout son pays pour mes études à l’étranger.
Avec ce fichu « plus tard », je me mariais et m’inscrivais ainsi à un autre utérus, sein, chaleur et proximité,
La transition est grave : Votre épouse n’est pas votre mère, et c’est tout aussi bien sinon vous resterez figé à jamais dans l’enfance.
J’en avais voulu, il est vrai à ma mère et à sa série d’expulsions, jusqu’à ce que la Nature m’ait promu au grade de Parent. Elle s’est massivement rachetée.
Elle m’a donné un fils qui sera père et le plus extraordinaire c’est qu’elle m’ait donnée deux filles. Rendez-vous compte ? Deux futures mères de Ma Chair !!
Je compris que si une part de moi revenait à ma mère, Une part de ma mère a ressuscité à travers moi.
Aujourd’hui, j’ai soixante ans et j’ai envie de crier “Maman je t’aime “…
Jamil BERRY
Leave a Reply