Adonis Diaries

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Aching to see you again Folks

Can’t you read French? May be I might try to translate a portion of that article, sometime…

YARA ZGHEIB published in OLJ this Jan. 17, 2014
Mal de vous, papi, mamy

Plus que deux semaines. Plus que dix jours. Plus que deux. Plus qu’un. C’est aujourd’hui, c’est aujourd’hui !

La valise, si bien rangée il y a trois jours, déborde depuis ce matin de cadeaux de dernière minute, de bouteilles de vin promises à papa, de colis Amazon commandés par maman. Vingt-cinq kilos… Aïe ! Pourvu que ça passe.

Surtout, ne pas rater le vol. Du coup, nous voilà à l’aéroport avec trois heures d’avance. Check-in déjà fait en ligne, frais d’excédent de bagages payés. Contrôle de sécurité…

Plus que deux heures quarante-cinq minutes. Le temps ne passe pas. Le vol est long.

Atterrissage. Le nez collé au hublot, on essaie de repérer notre maison parmi les milliers de petites lumières parsemées sur la montagne et le long de la côte. On est frappé d’une nostalgie inattendue. Papi, mamy.

On rentre à la maison.
Premières irritations. Les applaudissements dès que l’avion se pose. Les portables déjà en marche qui commencent à sonner et les conversations à voix haute.

Le coude de votre voisin qui vous rentre dans la figure alors qu’il essaie de récupérer son sac. Bousculade au contrôle des passeports et à la courroie de bagages. Petit sourire innocent au douanier. Vite, vite ! On m’attend !

Et voilà qu’on sort, qu’on vous cherche dans la foule, parmi les visages, les pancartes, les bouquets, les ballons. Mamy et papi.

Parfois accompagnés de frères, de sœurs. Parfois d’amis, de chéris mal à l’aise en public avec leur rose rouge à la main. Papi et mamy, toujours là.

Comme au premier retour, il y a quatre ans.

Vous nous serrez fort contre vous, longtemps, très longtemps. Vous sentez la maison, le Liban. On a soudain envie de pleurer.
«Tu as perdu du poids ! Ils n’ont pas de nourriture en France ? »
«C’est quoi cette nouvelle coupe de cheveux ? »
«Tu n’as pas de manteau ? Il fait froid dehors ! »
«Je t’ai préparé de la mloukhiyyé. »

Bien sûr maman, et tu as sûrement nettoyé ma chambre et acheté les yaourts que j’aime. Et oui papa, tu as lavé la voiture et fait le plein d’essence. On vous regarde. Vous êtes si contents de nous voir. Vous voulez tout savoir.

En route vers la maison, on vous raconte tout ce que vous savez déjà ; on s’est parlé sur Skype ce matin même. Dîner de rois à la maison, sourires, rires et vin autour de la table de la cuisine. Ça fait du bien de se réunir.

Et puis, une à une, vous nous sortez les nouvelles qu’on ne se dit pas sur Whatsapp. Ah bon, papa était à l’hôpital ? Maman, tu prends des suppléments de fer ? Et pourquoi y a-t-il un lit dans la salle de séjour ? Geddo dort chez nous maintenant ? On vous regarde de plus près. Vous êtes fatigués, surmenés. Inquiets.

Vous travaillez à deux, vous travaillez beaucoup trop. Il le faut. Kahraba. Moteur. Mazout pour le chauffage. Eh oui, ils ont augmenté les prix.

Eau pour la douche. Eau potable. Facture de l’ouvrier pour réparer la fuite dans le plafond. Assurance tout risque pour la voiture de ma sœur qu’un mastoul n’a pas vu dans son rétroviseur. Médicaments. Supermarché. Spring semester à l’AUB.

Mais vous sortez quand même deux cents dollars de votre poche pour nous les donner. « C’est samedi soir demain. Tu vas sûrement sortir avec tes amis. »

Et on les retrouve, ces amis. Ces pauvres amis qui travaillent trop dur à Dubaï, à Londres, à Paris, à New York. Ces amis qu’on n’a pas revus depuis Noël passé et qu’on ne reverra pas avant un an. Qui rentrent pour une semaine et qui sont écœurés par les embouteillages, la politique, les commentaires racistes, le m’as-tu vu, la fumée de cigarette pourtant interdite dans les lieux publics, le voiturier insolent, le cynisme répandu.

Et ces autres amis qui sont restés ici.

Qui sont, eux aussi, écœurés par les salaires médiocres, les patrons ingrats, les explosions par-ci et par-là, les prêts d’université et de voiture à rembourser, les prix d’appartements à louer et de cocktails de mariage à organiser.

Tout comme l’année dernière, et celle d’avant, et celle d’avant.

Ça passe vite, une semaine. On mange des manakich, de la knefé, le sandwich labné spécial de papa, de la kibbé bil sayniyyé et des wara2 3arish. On passe chez les tantes et les oncles, l’esthéticienne, les deux ou trois clubs tendance, les deux ou trois bars tendance.

Déjeuner de famille, dîner de famille, soirée karaoké avec les copains de classe. Et voilà qu’on est en train de peser la valise à nouveau, remplie maintenant de pulls chauds, d’un nouveau bonnet et d’une écharpe, de kichk et zaatar en poudre, de biscuits Ghandour, de khobz mar2ou2. Vingt-cinq kilos. Aïe!…

Et le voilà de retour, ce pincement au cœur. On ne veut pas partir. L’appartement est vide à Paris. On y boit notre Nescafé seul le matin. Et les dimanches, c’est sur un écran qu’on vous retrouve au déjeuner.

En fait, ce n’est pas le Liban qui nous manque. Ni la man2oushe. C’est vous. Sœurs et frères qui grandissent sans nous. Papi et mamy qui vieillissent loin de nous.

Vous qui travaillez pour que nous puissions obtenir des diplômes et des passeports étrangers, tandis que vous éteignez le chauffage après 10 heures parce que ça coûte trop cher. Vous qui vous privez de vacances pour nous acheter des billets d’avion. Vous qui méritez plus.

Vous qui méritez d’avoir un parc dans votre quartier pour vous promener les après-midi, une carte de Sécurité sociale pour rendre visite au médecin quand votre petit doigt vous fait mal, un musée d’art moderne et des concerts tous les vendredis soir.

Vous qui, à tout le moins, méritez d’avoir de l’eau chaude courante quand vous vous douchez, de brancher le séchoir et le frigo en même temps, de prendre votre retraite quand vous le voulez, d’aller au cinéma sans craindre de bombes.

Le mal du pays, nous ne l’avons pas.

C’est le mal de vous qui nous fait pleurer à l’aéroport. Que le pays garde ses bâtiments croulants et ses institutions corrompues. Ses clubs VIP et ses malls trop chers. Qu’il garde sa man2oushe. On s’en va. On veut juste vous prendre avec nous.

Mamy, papi, je vous aime. Tenez bon, peut-être que l’année prochaine j’aurai un travail et une nouvelle nationalité.

Peut-être que l’année prochaine je vous emmènerai avec moi.


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